Midipile Mobility dévoile son véhicule intermédiaire le 9:23

Alors que dans les rues des grandes métropoles les vélos cargos commencent à faire partie du paysage puisqu’ils sont progressivement adoptés tant par les parents pour véhiculer les enfants que par les professionnels de la cyclo-logistique pour la livraison des derniers kilomètres, il est probable que d’ici quelques années, nous ne soyons plus étonnés non plus de croiser en milieu urbain des véhicules intermédiaires. Il s’agit d’engins encore méconnus qui sont à mi-chemin entre un vélo cargo et une voiture type micro-citadine. Prenez le volume de charge utile et le pédalier d’un vélo cargo, greffez lui le moteur d’une Citroen Ami, intégrez le tout dans un châssis compact, secouez bien fort et paf ça fait des Chocapics vous obtiendrez un véhicule hybride innovant dont la vocation est de remplacer une camionnette. Là où le vélo cargo trouvera ses limites en terme de charge utile, le véhicule de Midipile prendra le relais. Si les véhicules intermédiaires sont encore peu visibles, c’est qu’il existe pour le moment un nombre d’acteurs restreint sur ce marché. L’une des premières société à se lancer est française et se nomme Midipile Mobility.

Dans le contexte de réchauffement climatique actuel, ce nom montre le besoin de trouver dans l’instant (à Midi pile!) des solutions pour décarboner la mobilité. La société a été fondée par Benoît Trouvé, Diplômé de l’ENSPM (École nationale supérieure du pétrole et des moteurs) et ancien ingénieur chez PSA-Peugeot Citroën ayant notamment collaboré à la mise au point du premier hybride diesel. C’est donc en octobre 2020, entre les deux premiers confinements que cette jeune PME basée à Angoulême s’attelle à créer un petit véhicule léger, simple mais robuste, éco-conçu et en offrant une bonne autonomie ainsi qu’une capacité de charge généreuse. L’objectif est de se poser comme une alternative crédible pour évincer les automobiles bruyantes et polluantes des centres-villes. C’est en décembre 2021 que l’entreprise charentaise présente son premier prototype doté de pédales comme sur un vélo, d’un volant rappelant la manette d’une console de jeux et d’une mini-benne prête à transporter des colis (Sur cette vidéo de Brut, vous verrez cette version du proto). Pendant un an et demi, la quinzaine d’employés de Midipile a peaufiné l’engin et c’est le vendredi 9 juin 2023 à Angoulême qu’a été dévoilé à la presse le modèle de pré-série sobrement nommé 9:23 en référence à cette date. C’est ce modèle que j’ai la chance de découvrir aujourd’hui à Bordeaux dans le cadre du quartier Darwin. Comme l’explique Ehouarn Cotonea, un des ingénieurs travaillant dans cette start-up, cette nouvelle mouture a pris de la masse puisqu’elle pèse maintenant 300 kg (Les batteries représentent à elles seules 20 % du poids hors charge utile.) mais le 9:23 peut déplacer une charge d’un poids équivalent à sa propre masse. Outre sa grosse capacité de charge et son habitacle mettant le conducteur à l’abri des intempéries, c’est sa capacité à atteindre la vitesse max de 45 km/H sans effort physique qui devrait séduire. Cette vitesse permet à ce quadricycle léger de catégorie L6 donc conduisible sans permis B d’avoir un usage plus polyvalent qu’un vélo cargo. Bien qu’il ait un gabarit sensiblement équivalent aux biporteurs et triporteurs avec ses 3m de long x 0.9m de large pour 1.54m de haut, il sera plus apte à s’aventurer dans les trajets extra urbains tout en gardant une capacité à se faufiler facilement en ville. D’autant qu’il offre jusqu’à 150km d’autonomie en une seule recharge sans ses panneaux solaires (en option sur le toit) et sans les pédales (un peu plus avec).

Le Citroën type H, un véhicule iconique du XXième siècle et le proto de Midpile réincarnation du petit utilitaire du XXième siècle

Son plus gros atout? Son arrière modulaire lui permet de changer de fonction en quelques instants. En effet, sa plateforme peut se décliner à l’envi en version pick-up, caisse ou à l’avenir en version duo, c’est à dire avec la possibilité de prendre un passager. Le Midipile sera ainsi capable de répondre aux besoins des particuliers comme des professionnels.

Comme vous allez le voir dans la vidéo ci-dessous, il y a beaucoup de changement sur cette nouvelle version du prototype. Tout d’abord, l’aspect a été particulièrement retravaillé et c’est la partie avant qui a demandé le plus d’ouvrage car elle a été imprimée en 3D en ABS et pour obtenir l’élégant rendu, il fallu un gros travail de finition artisanal. Le châssis tubulaire a laissé sa place à une coque en alu découpée au laser. Côté direction, là aussi les choses ont été largement revues, le « volant » a laissé place à un système de leviers disposés à droite et à gauche de l’assise de sorte à ne pas avoir de colonne gênante pour le débattement des jambes lors du pédalage. Lors de la présentation à Bordeaux, la portière n’était pas montée mais elle sera bien présente sur la version finale.

Présentation détaillée du prototype 9:23

Me voilà aux commandes de ce véhicule qui n’a pas laissé indifférent les badauds croisés dans le quartier Darwin. Pour ceux qui ne connaissent pas le coin, il faut savoir que Darwin c’est un village au cœur de la métropole de Bordeaux qui se rapproche à grand pas du million d’habitants. En venant ici, on est dans le monde d’après car cette ancienne caserne désaffectée sur la rive droite de Bordeaux aujourd’hui éco-réhabilitée est un lieu où se côtoient les skateurs et passionnés de street-art, les entrepreneurs de la green économie, les fans de musique électro, les défenseurs de la biodiversité (on y croise des militants tel ceux d’Extinction Rebellion sûrement entrain de préparer le prochain blocage du pont Chaban Delmas ou un réveil des croisiéristes dormant dans un paquebot à quai). Bref dans ce lieu piétonnisé qui a la culture de l’alternatif, ce petit prototype a clairement été bien accueilli. Le silence et la discrétion avec laquelle il se fond au milieu des cyclistes et des piétons dans les allées peu larges de l’ancienne caserne contribue à coup sûr au capital sympathie de ce petit véhicule.

Sur le côté, on note le soin apporté au passage de roue intégrant le répétiteur de clignotant.

Commençons le tour du propriétaire par l’habitacle qui est aussi atypique que le véhicule lui même. Pour commencer on s’installe en position de pédalage semi couché, d’ailleurs le siège ICE employé est habituellement utilisé sur les trikes. En catégorie L6, la ceinture est donc obligatoire, on commence donc par la mettre avant de donner les premiers tours de manivelle. Ici, les pédales n’entrainent pas une transmission ayant prise directe sur les roues. Le pédalier entraine une génératrice qui peut à l’arrêt en position Neutre servir à redonner un peu de charge à la batterie. Un cycliste lambda aura du mal à sortir plus de 100watts avec son effort ce qui représente à peut prêt la consommation de l’éclairage (feu de position avant à LED élégamment intégré à la calendre / arrière). Le pédalier est avant tout dans ce mode, une alternative à l’accélérateur conventionnel, la poussée du véhicule est proportionnelle à celle exercée sur les pédales. La prise en main est intuitive, on se saisit des manches de part et d’autre du siège faisant office de guidon. On se rapproche du feeling du vélo couché et les motards ne seront pas dépaysés par le commodo qui surmonte la poignée à gauche utile notamment pour activer les clignotants. A droite, la poignée est surmontée d’un levier qui permet d’activer le frein régénératif que les conducteurs de voiture électrique connaissent bien. Ici, il est instinctif de l’utiliser seul pour ralentir ou de le combiner avec les freins mécaniques pour les freinages plus mordants. (c’était le mode de fonctionnement proposé pour cette présentation mais le levier pourrait être reconfiguré comme accélérateur rendant le pédalier totalement accessoire)

Au centre de la console de bord, on retrouve un grand écran à l’interface vraiment soignée. Elle propose l’affichage de nombreuses informations des plus classiques comme l’odomètre affichant la distance parcourue ou un compteur montrant la vitesse instantanée. Plus original, l’ordinateur de bord affiche la puissance récupérée via la génératrice et les panneaux solaires, la puissance tirée sur la batterie, la conso du moteur Valéo… Ce prototype 9:23 n’est pas totalement finalisé, il manque des organes vitaux comme les essuie glaces, l’arrière avec ses gros feux n’est pas aussi soigné que la face avant, certains détails pourront sûrement être améliorés comme la forme des manches qui incitent à braquer les roues sur la gauche pour les relever et faciliter la sortie du véhicule.

La bonne vieille Estafette Renault, symbole d’une époque ou les véhicules étaient minimalistes et n’avaient pas pris d’embonpoint paraitrait presque imposante face au véhicule de Midipile.

Ci-dessous la version pickup et plus bas la version surmontée de sa caisse. On peut aisément l’imaginer avec tout un tas d’autres accessoires. Par exemple le transformer en mini foodtruck pour les professionnels qui pourront aller au cœur de zone piétonne où là une camionnette passerait difficilement. Pour les particuliers, on pourrait l’imaginer surmonté d’une mini cellule pour le transformer en micro camper van (imaginez vous sur votre spot favoris goûtant le plaisir de la vanlife en étant plus en adéquation avec la nature qu’avec l’habituelle camionnette Diesel). Ou garder le volume arrière pour transporter votre matos (aile de kitesurf, stand up paddle gonflable…) et tracter une micro caravane type teardrop ce qui ne poserait aucun problème vu le couple monstrueux du moteur. En parlant caravaning, on imagine aisément l’engin de Midipile se balader dans les allées des campings pour remplacer les voiturettes de golf habituellement utilisées dans l’hôtellerie de plein air pour aller changer les bouteilles de gaz, ramasser les draps, faire la tournée des inventaires… Les débouchés possibles pour ce véhicule sont multiples à condition de convaincre les acheteurs car avec un prix prévisionnel autour de 14.000€ pour la version finale, il sera sans doute complexe de convaincre les particuliers a contrario des professionnels qui pourront facilement amortir cet investissement.


Cliquez sur les photos pour les voir en plein format.

Vélo cargo VS le véhicule intermédiaire de Midipile

Deux solutions de mobilité, deux propositions complémentaires.

Le vélo cargo et le véhicule de Midipile sont deux engins complémentaires ne répondant pas tout à fait au même besoin selon moi. Néanmoins, j’ai trouvé intéressant de faire quelques photos comparatives qui donne une idée des gabarits respectifs et de leurs emprises au sol (des paramètres important pour comparer leur capacité à se faufiler en ville et à emprunter les pistes cyclables). Pour ce comparatif, j’ai mis en scène un cargo de marque Douze Cycle, le modèle est V2 avec une plateforme de 800mm. Sur le papier, le vélo cargo est plus court mais dans les faits quand ils sont côte à côte, à l’oeil la différence n’est pas significative. Même constat en les mettant l’un derrière l’autre, la caisse du vélo cargo n’est pas plus large que le cintre d’un vélo standard et le véhicule de Midipile est sensiblement de la même largeur que la caisse du vélo cargo. Bon point pour le prototype de 9:23 avec ses 1,54m de haut, il ne bouche pas la vue si on roule derrière à vélo. Même un cycliste de taille moyenne parviendra à voir par dessus (ce qui n’est pas le cas de gros triporteurs utilisés en cyclo-logistique qu’on voit de plus en plus sur les pistes cyclables). Ces gros porteurs aux allures d’armoires normandes ont tendance à déplaire à beaucoup de cyclistes qui les côtoient sur les pistes cyclables. Le code de la route interdit l’accès aux pistes cyclables pour les cycles de plus de trois roues d’autant plus quand ils appartiennent à la catégorie L6. Cependant, que ce soit pour son encombrement, sa vitesse de pointe bridée à 25 km/H et la vitesse à laquelle il accélère, en réalité le quadricycle de Midipile ne poserait pas plus de problème de cohabitation avec les cyclistes qu’un biporteur tel que celui que j’ai mis en comparaison sur les photos. Dans un contexte ou il est primordial de décarboner la mobilité et donc de tout faire pour favoriser l’adoption de véhicules alternatifs à la voiture, ne faudrait-il pas changer la législation pour autoriser les véhicules intermédiaires à utiliser les pistes cyclables? Je vous invite à laisser votre avis en commentaire à la suite de l’article.

Bien que visuellement plus massif, l’engin hybride de Midipile a une emprise au sol très similaire à un biporteur comme le montrent ces vues de 3/4 arrière et de profil.

De dos c’est kiff kiff bourricot. Du moins si l’on fait abstraction des rétroviseurs du midipile indispensables pour les changements de voie et les manœuvres en arrière. Un détail qui fera sans doute la différence dans certaines situations où le conducteur se faufilera. La photo ci-dessous permet de mieux visualiser la différence de volume utile entre la caisse du biporteur et celle du Midipile. J’aurais pratiquement pu mettre la caisse sur la plateforme de mon cargo tant les mesures en longueur et largeur sont proche. La différence vient essentiellement de la hauteur qui gênerait la visibilité pour le cycliste, là ou avoir une caisse haute dans le dos du proto de Midipile ne pose pas de problèmes. La proposition de Midipile permet un volume de chargement légèrement plus important qu’un biporteur conventionnel mais serait similaire avec un gros triporteur type Urban Arrow Tender et sa plateforme de 229cm x 114cm (qui pèse 110kg à vide contre 300kg pour le Midipile). Mais soyons clair, la comparaison s’arrête ici car si en terme de volume il y a égalité en terme de poids en charge, de fatigue pour le cycliste et de vitesse moyenne, chargé comme un mulet, la solution de Midipile gagne haut la main et c’est là tout l’intérêt de cette dernière. Ce sera d’autant plus vrai pour les trajets mixtes alternant les passages en agglomération et les passages inter-urbain qui permettrons de profiter de la vitesse max de 45km/H (deux versions sont prévues, l’une bridée à 25 km/H, l’autre à 45 km/H.

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